L’influence norroise aux noms des lieux en Normandie.
L’ofnec (office franco-norvégienne d’échange et de coopération) à Caen a inauguré une série des conférences sur des thèmes diverse, mais tous surement liés aux rapports entre la France et les pays scandinaves. Ces conférences auront lieu tous les deux mois à l’Université de Caen. Aujourd’hui Sylfest Lomheim, directeur du Conseil de langue norvégienne (Norsk språkråd) et un homme assez profilé dans les médias norvégiens, nous a parlé de deux sujets différents. Premièrement, il a démontré par des exemples précis l’influence norroise sur les noms de lieux en Normandie, et aussi un tout petit peu sur l’influence au lexique français. Après il a expliqué aux Français, et aux Norvégiens, la situation politique linguistique actuelle en Norvège. Commençons par l’influence norroise.
Les vikings sont arrivés en Normandie au 9e siècle. Les Norvégiens par l’Irlande vers le Cotentin, tandis que les Danois sont venus directement du Danemark pour s’installer plutôt en Haute Normandie ou les parties dans l’est de la Normandie. Mail ils parlaient tous la même langue, ce que l’on a l’époque appelait le danois, mai qui était en fait la langue scandinave. Les vikings ont leur nom du mot norvégien vik, qui veut dire baie en français. Ce vik s’appelle aujourd’hui Oslofjorden, et les premiers vikings habitaient les deux cotés de ce fjord. Les Norvégiens se sont installés autour de Cherbourg (qui veut dire le bourg de César), alors on y trouve la plupart des noms liés à la Norvège. Il s s’y sont installés parce que les Norvégiens sont habitués à des très mauvaises conditions agricoles, alors ils ont trouvé la presqu’île Cotentin formidable. Les Danois, au contraire, qui sont habitués à des conditions agricoles très favorables ont trouvé la presqu’île Cotentin très peu intéressante et ils ont choisi de se diriger vers la haute Normandie. De toute façon, on y trouve des noms des lieux qui nous font penser à Ganger-Rolv et ses descendants.
Querqueville – querque – kyrkje – église – le village où il y avait une église. Contrairement à ce que l’on nous a expliqué que tous les lieux qui se terminent en –ville sont fondés par les Romains, Lomheim nous a explique que le suffixe ville était très à la mode et que les vikings se son beaucoup servis.
Yqelon – yq – eik et lon – lund – eikelund.
Ouistreham – ouist veut sûrement dire ouest, et ham c’est soit hamn – port ou heim – foyer. De toute façon, Ouistreham se trouve à l’ouest du fleuve Orne.
Ensuite Orbec – aurebekk – ruisseau des truites, Robec – rød bekk – ruisseau rouge, Caudebec – kald bekk – ruisseau froide, Oulbec – holbekk – hullbekk – ruisseau qui a creusé un trou.
Dieppe veut dire dyp – profond, et Dieppe c’est une des endroits assez rares où il y a un port profond sur la cote normande.
Yvetot – toft, c’est le mot danois pour village, alors le village d’Ivar – prénom scandinave, Robertot – le village de Robert.
Fleur – il ne s’agit pas du tout de ce que l’on s’imaginerait, mais du mot scandinave pour la marée haute ou la pleine mer – flo. Alor Barfleur, Honfleur – des endroits marqués par la différence entre les mers.
Houlme veut dire holme, ou parfois la presqu’île qui peut former un fleuve par ses méandres. Voilà l’endroit où j’on faisait le holmgang, le duel entre deux personnes et qui se terminaient toujours de façon que seulement une d’elles rentre vivante.
Quettehou – Quette – le prénom scandinave Kjetil, hou – haug ou colline en français.
Jersey – l’île de Geir, ou l’île de l’épée, Geir veut dire épée.
La langue scandinave s’est assimilée à la langue normande assez rapidement, mais on sait que Guillaume le Conquérant avait une connaissance da la langue danoise, qui était à l’époque le terme courant pour designer la langue des Scandinaves. En jeune homme, toujours Guillaume le Bâtard, on l’avait envoyé à Bayeux, le dernier endroit où l’on parlait encore scandinave, pour qu’il s’instruise. Apres Guillaume, le norroise est lentement disparu.
En ce qui concerne le lexique français, Sylfest Lomheim nous a donné des exemples suivants :
Equiper- là se cache le mot scandinave skip qui veut dire bateau. Equiper veut dire mettre ce dont on a besoin pour le voyage ou l’expédition dans le bateau.
Draguer – dra qui veut dire tirer, et il nous a expliqué que c’est exactement ce que c’est draguer – attirer.
Puis encore quelques mots marins – tribord qui vient du mot scandinave styrbord, la coté du bateau dans laquelle se trouvait la planche – bord à guider – styre.
Babord – l’autre coté du bateau.
Carlingue – très compliqué. Le mot kar veut dire homme. Si l’on ajoute le diminutif –ing, ça veut dire un petit homme – c'est-à-dire une femme – karling – kjerring. Ensuite le tronc au fond du bateau avait, peut on parfois s’imaginer, la forme d’une kjerring. Donc voilà le mot français carlingue dérivé du mot scandinave karling. Qui veut dire femme.
Quelle est donc la situation politique linguistique actuelle en Norvège ?
D’abord Sylfest Lomheim a précisé que la situation norvégienne – deux langues, le norvégien et le lapon, est tout à fait normale. Une nation avec une seule langue est la situation anormale. Ce n’est que l’Islande qui se trouve dans une telle situation. C’est qui est extraordinaire en Norvège, c’est qu’il y a deux variétés de la même langue. Il nous a ensuite explique que la politique de rapprochement entre les deux langues est abandonnée, mais que les deux langues vraisemblablement se forgeront toutes seules au cours des 50 – 100 ans à venir. La politique aujourd’hui est plutôt de garder la langue contre l’influence anglophone, et de la rendre aussi opérable que possible comme outil de communication. Afin de l’obtenir, il faut guider la langue par des lois, et Sylfest Lomheim a terminé sa conférence en citant le prédicateur dominicain Henri Lacordaire :
« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur,
c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère »
Une journée très intéressant que nous avons terminée en déjeunant avec Sylfest Lomheim et le personnel de l’Ofnec où l’on nous a offert à la fin du repas un dessert délicieux normande – la teurgeoule, qui nous a pas du tout tordu la gueule.